Le monastère aujourd’hui

L’ARCHITECTURE DU MONASTÈRE DE SAINTE-GEMME

Fonctionnement du prieuré

L'étude des différentes parties du monastère constitue un tout. Si nous en analysons successivement les différentes parties, on ne saurait les dissocier car chacune a une fonction complémentaire avec les autres.

Un monastère bénédictin est un lieu de prière et de travail. Les nombreux offices religieux imposent des circulations courtes pour que les activités soient rapprochées.

En effet, selon la periode de l'année et la fête célébrée, les bénédictins consacraient chaque jour entre quatre et huit heures à célébrer l'office divin et sept à huit heures au repos. Le reste de la journée était divisé entre le travail, la lecture et l'étude.

 

La journée d’un moine, en fonction de la saison, se répartissait comme suit :

00h30 : Vigile (messe) 02h30 : Ils se recouchent. 04h00 : Mâtines (nouvelle messe et prière) 04h30 : Ils se recouchent encore. 05h30 : Lever en même temps que le soleil. Toilette de la barbe et du corps avant 6h. 05h45 : Messes privées. 06h00 : Prime (prière, messe et chant). 06h30 : Lecture d'un chapitre de la règle de saint Benoit dans la salle capitulaire. 07h30 : Messe 08h15 : Messe privée 09h00 : Tierce (messe et chant) 10h45 : Travail 11h30 : Sexte (prière, messe et chant). 12h00 : Repas 12h45 : Sieste 14h00 : None (messe et chant) 14h30 : Scriptorium (salle de travail) 16h30 : Vêpres (prière, messe et chant) 17h30 : Souper 18h00 : Complies (prière, dernière messe et chant) 18h45 : Coucher

L’organisation spatiale des grands monastères médiévaux occidentaux suit un modèle qui fut mis en place progressivement à l’époque carolingienne. Le « plan idéal de Saint-Gall », dessiné sur parchemin au IXe siècle, illustre ce modèle. Ce schéma d’architecture a été adapté et adopté pour la plupart des monastères et couvents bâtis, jusqu’aux derniers cloîtres édifiés ; ses qualités fonctionnelles et sa flexibilité ont permis sa longue utilisation.

L’église est l’édifice dominant et, sauf en cas de contraintes imposées par le relief du site elle est orientée. Sur son flanc Sud[1] trois corps de bâtiments renferment le cloître ceint par des galeries couvertes. C’est l’univers des moines profès, leur lieu de vie et de travail. Lettrés et issus de la noblesse, ils participent à tous les offices de la journée ; leur travail est plutôt intellectuel. Leur dortoir est situé au-dessus de la salle capitulaire (lieu où se réunit quotidiennement la communauté religieuse pour y débattre des affaires courantes) et l’accès au chœur de l’église doit être aisé. Les espaces de travail sont normalement disposés au Sud de la salle capitulaire. C'est par la galerie Sud, que les moines profès entraient en procession silencieuse dans le réfectoire.

Les sources historiques nous renseignent peu sur la deuxième catégorie de moines, les frères convers ou frères lais. Peu d’entre eux sont lettrés, ils s’occupent plutôt des travaux manuels du monastère. Les moines convers sont logés dans l’aile Ouest du cloître et prennent place dans la nef de l’église. L’accès au dortoir et à l’église se faisait par le côté Ouest qui est en liaison directe avec la zone économique du monastère.

Un monastère est aussi une entreprise car les moines subviennent en grande partie à leurs besoins. D’après la règle, l’enclos monastique renferme les zones de stockage, les étables, les granges à sel, les forges, les moulins, etc. L’enclos du monastère, souvent fortifié, protègeait beaucoup plus les moines des tentations du monde extérieur que des attaques venues d’ailleurs.

 


[1] En fonction du relief et de la source d’eau certains monastères ont le cloître construit au Nord.

L’EGLISE PRIEURALE DE SAINTE GEMME

Longue de 55 m à l’époque romane, son plan était en croix latine. Seuls subsistent sa nef de trois travées, bordée de collatéraux et précédée d’une avant-nef, chose très rare en Saintonge.

Les phases de construction

Les trois moines fondateurs on pris possession d’un lieu déjà mis sous le vocable de Sainte-Gemme. Lors des fouilles de 1982 - 1984 une structure a été aperçue elle peut représenter les fondations d’une partie de église pré-casadéenne qui, adaptée, a servi jusque vers la deuxième moitié du XIIe siècle. On peut supposer que ces adaptations ont timidement commencé à la fin du XIe siècle et ont progressivement laissé place à une nouvelle église. On perçoit à travers cette longue édification des difficultés, des hésitations et des interventions multiples.

L’étude des éléments architecturaux, des reprises dans les parements, des supports décalés entre la nef et le transept, les deux techniques de construction des voûtes, ainsi que les deux types de facture des chapiteaux de la nef, mettent en lumière plusieurs étapes d’édification.

Elles peuvent être regroupées en deux grandes phases romanes de construction, qui ne sont pas encore clairement datées :

 

Depuis 1079 et pendant la première moitié du XIIe siècle, l’église pré-casadéenne est adaptée et utilisée par les moines. Un nouveau transept est édifié ainsi que la base d’un clocher sur croisée avec son escalier en colimaçon.

Après l’édification du transept, une nouvelle nef fut tracée et ébauchée, la plupart des bâtiments claustraux furent construits ou commencés.

La seconde phase correspond à la deuxième moitié du XIIe siècle, période durant laquelle on parachève la nef, ses structures d’accueil, et où l’on édifie la façade occidentale de l’église. L’augmentation des revenus des moines de Sainte-Gemme, grâce aux donations et à l’acquisition de marais salants dans le pays de Marennes, a probablement favorisé l’accomplissement de ces travaux coûteux.

 

D’après Jacques Duguet la nouvelle église est postérieure à 1130[1] mais elle a pu être commencée vers 1150, au temps du prieur Bernard, peut-être avec l’aide de Louis VII qui a montré l’intérêt qu’il portait au prieuré en faisant une donation en 1146. C’est probablement l’époque où l’on a décidé de transformer le petit monastère de trois moines en prieuré conventuel d’une vingtaine de moines.

Au cours du Moyen Age, l’église connaît ensuite une série de réaménagements. Au milieu du XIIIe siècle, un jubé en pierre de taille est érigé, séparant l’espace liturgique de la nef, puis au XIVe siècle, l’abside du dernier chœur roman est remplacée par un chevet plat.

Le chœur

Le chœur roman de Sainte-Gemme a disparu. Plusieurs structures se sont succédées à son emplacement. De nouvelles investigations permettraient peut-être de dater.

Un chœur pré-casadéen a été utilisé jusqu’à la construction d’un autre choeur pendant la deuxième moitié du XIIe siècle. Ce dernier devait être important, si l’on en juge d’après ses dimensions : long de 18,50 m et large de 10 m. De telles proportions nous permettent de l’imaginer proche des chœurs saintongeais très développés comme ceux de Geay, Rétaud, Rioux, influencés par la prieurale clunisienne de Saint-Eutrope de Saintes.

A la période gothique, l’abside romane a été remplacée par un chevet plat qui prolongeait les murs romans Sud et Nord. Les colonnes et les socles de contreforts saillants permettent d’affiner leur datation au XIVe siècle.

Le transept

C’est la partie la plus ancienne de l’église bâtie par les casadéens.

Seul le mur occidental du transept est aujourd’hui visible. L’arc diaphragme, qui sépare la croisée de la nef, est légèrement brisé. Il est surmonté d’une baie géminée en plein cintre.Les départs de maçonnerie de ce qui pourrait avoir été une coupole sur trompes sont visibles vers l'Est.

Les arrachements des voûtes du transept montrent un berceau plus bas que celui de la nef ; la différence de niveau permettait probablement d’éclairer la croisée. Entre la croisée et les bras du transept Nord et Sud, on retrouve le même système de construction utilisant des arcs diaphragmes.

L’escalier du clocher, datant du début du XIIe siècle, est un des rares escaliers en colimaçon[2], qui soit encore visible dans son état originel. Il fut édifié en même temps que le mur Ouest du transept. Le mode de construction utilisé est archaïque. Il date d’une période antérieure à l’utilisation à grande échelle de pièces monolithes en pierre de taille englobant le noyau central et la marche. La structure verticale se compose d’un noyau central important[3], solidarisé avec la cage du colimaçon par l’intermédiaire de pierres de taille formant un plafond à degrés. Les marches, hautes et étroites, sont supportées par ce plafond grâce à un blocage d’épaisseur variable, d’où l’épaisseur importante de la volée de l’escalier.

La crypte-ossuaire

La fonction de la crypte du prieuré de Sainte-Gemme était, semble t-il, funéraire et un autel s’y trouvait, selon un témoignage de 1714.

Effondrée et comblée à une époque indéterminée, elle fut remise au jour en 1926. Un relevé des années 1930, ainsi que des photos réalisées en 1936[4], complètent la description du XVIIIe siècle.

C’était une salle carrée, semi-enterrée, d’environ 5,33 m de côté, qui était couverte d’une croisée d’ogives puissantes de section rectangulaire. Ces ogives rappellent les nervures de l’avant nef.

Un escalier droit permettait l’accès dans la crypte depuis le bras Nord du transept. A l’intérieur de celle-ci des loculi étaient visibles, surmontés d’arcs surbaissés, tout comme l’ensemble des ouvertures de la crypte. Des sarcophages monolithes (les beaux sépulcres évoqués en 1714 ?) apparaissent sur les photos. Au Moyen Âge, les reins des voûtes dominaient le niveau moyen du sol d’environ deux mètres.

Le type de voûtement de la crypte porte à croire qu’elle fut construite durant la deuxième moitié du XIIe siècle, époque à laquelle la nef de l’église et ses structures occidentales furent terminées. Ceci peut expliquer sa construction en dehors du périmètre de l’église.

La nef romane

La nef d’une église monastique était destinée à accueillir les simples frères et les hôtes importants et permettre les processions reliant les multiples autels.

La nef fut commencée pendant la première phase de construction romane, où seul le mur gouttereau Sud aurait été érigé. Il s’élevait, sur une hauteur d’environ 5 m, le long de la galerie Nord du cloître, sans doute pour soutenir cette dernière. On suppose que, pendant ce temps, la nef de la modeste église pré-casadéenne fut utilisée par les moines.

À l’intérieur de la nef, le mur est rythmé par quatre dosserets qui comportaient à l’origine des colonnes engagées, le dosseret de l’avant-nef garde encore sa colonne. Ils nous donnent une idée du projet initial : une triple nef divisée en cinq travées.

Le vaisseau central de la nef de cinq travées devait être couvert d’une voûte en berceau en plein cintre, probablement sans doubleaux. Seule une amorce de cette voûte fut construite, elle témoigne de ce système de construction. Longue d’environ 2 m, elle est encastrée dans le mur Ouest du transept. La voûte est réalisée en moellons ébauchés sur couchis et les naissances sont en grand appareil de pierre de taille.

Le chantier de la nef a repris pendant la deuxième moitié du XIIe siècle. Les anciennes maçonneries, restées en état, ont été englobées ou adaptées aux nouvelles solutions de partage de l’espace, de voûtement et de décoration. Le plan initial avec cinq travées a été abandonné, afin de partager l’espace en deux : une triple nef de trois travées et une avant-nef surmontée d’une tribune. Les collatéraux, voûtés en plein cintre, sont séparés du vaisseau central – le berceau brisé est renforcé de doubleaux – par des grandes arcades brisées, à double rouleau, soutenues par quatre piliers carrés cantonnés de colonnes engagées. Le voûtement des trois vaisseaux est continu, il s'insère dans le volume de la tribune et il est édifié en pierres de taille. D’après Yves Blomme[5], ce nouveau voûtement ainsi que l’ensemble avant-nef et tribune sont cohérents, « ils ont été érigés vers le milieu du XIIe siècle ».

Les voûtes ont été consolidées ou reconstruites au XIXe siècle, hormis les voûtes des bas-côtés de la tribune occidentale.

Le jubé

Une niche ogivale large d’environ 2,45 m pour 1,40 m de hauteur est englobée dans le mur qui limite aujourd’hui la nef vers l’Est. Ce mur a été érigé afin de fermer la nef qui fut amputée de son transept et de son chœur pendant les guerres de religion.

Cachée derrière un autel moderne, cette niche a des dimensions et des moulures proches de celles de l’enfeu gothique situé à l’extrémité Est de la galerie Nord du cloître. À cause de l’important rehaussement des sols de l’église, l’arc (datable du XIIIe siècle) est tronqué d’au moins 1,00 m.

Ces vestiges pourraient être les restes d’un jubé, c’est-à-dire une séparation entre la nef, réservée aux simples frères ou aux fidèles, et le chœur réservé aux profès. La circulation des moines entre la nef et le chœur se faisait à travers les deux passages débouchant dans les bras du transept.

Peu de jubés sont encore visibles aujourd’hui, c’est pourquoi ces restes sont importants. Au XVIe siècle, le Concile de Trente décida d’ouvrir les chœurs des églises au regard des fidèles, annonçant la fin de l’emploi de ce type d’aménagement.

L’avant-nef et la tribune

Une étonnante structure d’accueil est présente derrière la façade occidentale. Les structures d’accueil, formées d’une avant-nef surmontée d’une haute tribune, constituent des massifs de façade Cette disposition se retrouve très rarement dans les églises romanes saintongeaises.

La fonction des massifs occidentaux romans reste encore difficile à définir avec précision, mais leur caractère multifonctionnel paraît pourtant aller de soi. On préfère utiliser le terme d’avant-nef pour ces structures romanes, afin de les différencier des narthex des églises orientales ou de l’Occident du premier millénaire chrétien.

L’avant-nef est couverte de trois croisées d’ogives plates, sans doubleaux et sans formerets, ayant trois modèles de nervures robustes. C’est vraisemblablement le premier exemple de voûte sur croisée d’ogives en Saintonge.

La différence de niveau entre les bases des colonnes de la nef et de l’avant nef indique un décalage de 0,60 m à 0,80 m entre les deux espaces : plusieurs marches descendaient vers la nef.

Les murs de séparation entre les bas-côtés de la tribune et de la nef sont modernes, tout comme ceux qui séparent les trois vaisseaux de la tribune. Ces vaisseaux étaient ouverts sur la nef, conformément à l’exemple auvergnat. L’espace généré est vaste, mais sa fonction nous échappe, à cause de l’absence de sources écrites.

Une niche romane située dans le mur méridional du collatéral Sud et devant servir à la liturgie, permet de supposer l’existence d’au moins un autel dans la tribune.

La façade Ouest

Les façades saintongeaises de la fin de l’époque romane, comme celle de Sainte-Gemme, prennent une importance capitale à cause de leur composition et de leur monumentalité. Sur leurs portails et frontispices se développent de grands programmes sculptés où l’ornementation est souvent confondue avec les intentions éducatifs, l’illustration des livres saints.

Un dessin d’Auguin de 1840 présente la façade occidentale avant les restaurations de 1869 - 1870. Trois grands contreforts, apparemment tardifs, la soutiennent ; c’est la cause du remplacement d’environ 80% des parements et des sculptures. Un pignon avec clocher, construit également à cette occasion, couronne l'ensemble.

La plupart de modillons médiévaux de la façade occidentale sont illisibles ou ont disparu. Ils ont été remplacés par des modillons sculptés à l’époque de la restauration de 1869 - 1870, tout comme la plupart des décors du portail et des arcatures, ainsi que des fenêtres du deuxième niveau.



[1]Date approximative de la confirmation du don du comte Guillaume le Toulousain (1126-1137) à Sainte-Gemme.

[2] La majorité des colimaçons des églises romanes des alentours (Trizay, Geay, Saint-Sulpice-d’Arnoult etc.) ont été reconstruits à la fin de l’époque romane ou postérieurement.

[3] Le noyau central est formé de tambours d’un pied de diamètre et de 0,265 m de haut (posés sur des joints de mortier de 5-10 mm), entaillés pour recevoir les pierres du plafond.

[4] Dans Baudrit A., Sainte-Gemme, histoire locale, église, prieuré, Saint-Ouen-en-Brie, 1996 (réédition d’Histoire de Sainte-Gemme, Charente-Inférieure, 1931, augmentée d’une étude historique et architecturale par J. Duguet et A. Audier) et dans les collections d’Anne Audier.

[5] Yves Blomme, L’architecture gothique en Saintonge et en Aunis, Editions Bordessoules, Saint-Jean-d’Angély, 1987.

LES BÂTIMENTS CLAUSTRAUX

Le cloître

Le cloître médiéval présente une analogie évidente avec la maison méditerranéenne antique, introvertie et organisée autour d’un atrium : c’est un quadrilatère aménagé en jardin et bordé de galeries couvertes. Sa fonction immédiate est de permettre une circulation aisée d’un bâtiment à l’autre. Avec le temps, le cloître s’est chargé d’un sens supérieur et son architecture et son décor étaient soignés.

A l’époque romane, le cloître recouvrait un quadrilatère d’environ 15,50 m sur 19,00 m. Aujourd’hui, malgré la disparition de ses galeries, il est l’un des mieux conservés en Saintonge.

On pouvait s’asseoir sur une banquette en pierre de taille[1] qui ceinturait les murs. Elle servait de piédestal aux colonnes engagées soutenant les voutes des galeries.

Le cloître roman doit lui aussi, être intégré à la première étape de construction de l'église. L'étude de ses chapiteaux, de leurs bases, de leurs tailloirs et de leur mode d'encastrement nous indique une unité de construction des galeries du cloître, malgré des hésitations et l'identification de plusieurs chantiers.

Au XIIIe siècle un enfeu fut encastré dans le mur roman de l’église, à l’Est de la galerie Nord du cloître. L’ogive est semblable à ce que l’on suppose être le jubé de l’église.

Le bâtiment Est

Ce bâtiment abritait au niveau inferieur la salle capitulaire (ou chapitre) et des probables espaces de travail des moines.

La salle capitulaire, pièce la plus importante après l’église, était destinée à la réunion journalière de la communauté.

À Sainte-Gemme, la salle capitulaire avait initialement un plafond en bois, au-dessus duquel se trouvait le dortoir des moines de chœur, conformément à l’habitude bénédictine.

Le bâtiment Est fut accolé au transept de l’église (construit auparavant), en englobant ses contreforts plats. Seule une portion du mur occidental est préservée, avec deux baies à double rouleau et deux portes avec des arcs simples.

Vers le milieu du XIIIe siècle, la salle capitulaire fut agrandie et voûtée et la deuxième porte transformée en baie. Pour maintenir le niveau du plancher du dortoir, la nouvelle salle a été sur-creusée d’environ 0,75 m et des marches ont été aménagées pour accéder à la galerie Est du cloître. On a édifié des croisées d’ogives qui reposaient sur huit cul-de-lampe et sur une colonne centrale qui garde encore sa base et sa retombée de huit nervures. L’agrandissement de la salle capitulaire s’explique par l’accroissement du nombre de moines passant de trois jusque vers 1130, à une vingtaine cet ans plus tard.

Le bâtiment Ouest

C’était le bâtiment le plus imposant et il est maintenant celui qui est le mieux conservé. Sa façade fut renforcée et décorée par sept grands arcs aveugles. Les murs gouttereaux ont du contre-fruit[2] car le bâtiment était couvert d’un berceau, sans doubleaux, développé sur toute la longueur. On considère que le bâtiment Ouest a été édifié pendant la première phase romane de construction.

Dans la première travée du Nord, plus grande, les arrachements des voûtes visibles à l’intérieur des murs Nord et Est indiquent que la pièce devait être couverte de voûtes d’arêtes et fermée au Sud par un mur de refend, aujourd’hui disparu. L’espace était relié au cloître par une grande porte en plein cintre. Il s’agissait sans doute d’un accès privilégié dans le cloître, ayant probablement la fonction de parloir. On remarque les traces d’une porte romane, fortement restaurée, entre l’avant nef et le parloir, peut-être l’accès des frères convers dans l’église.

La construction avait deux niveaux. Le rez-de-chaussée devait servir de cellier, il était accessible depuis l’extérieur par une grande porte en plein cintre de plus de 2 m de large, et depuis le côté du cloître par une porte de 1,10 m de large. On suppose que le grand espace à l’étage, pourvu de nombreuses ouvertures, servait de dortoir aux frères convers ou aux visiteurs.

Sur la façade Sud, on peut voir des traces d’ouvertures du XVe siècle : un linteau en accolade et une grande fenêtre, anciennement à meneaux, qui montre encore des beaux profils de la deuxième moitié du XVe siècle. Ces rajouts laissent entrevoir l’aménagement d’un appartement occupé par le supérieur.

En 1735, trois appartements sont mentionnés dans le bâtiment Ouest, dont l’un était réservé au prieur.

Le bâtiment Sud

Conformément à la règle bénédictine, il abritait le réfectoire, mais on ignore quel était l’emplacement des cuisines. Les repas des moines étaient une continuation de la messe, d’après l’exemple des apôtres. L’architecture du réfectoire était simple, l’espace monumental.

Un fragment de berceau, long d’environ 2,70 m, est encastré dans le mur Ouest du bâtiment et l’arrachement de ce même berceau est visible sur une portion d’environ 7 m du mur au Nord.

Les vestiges d’architecture romane nous permettent d’imaginer le bâtiment Sud entièrement recouvert par un berceau en plein cintre sans doubleaux. Le réfectoire était seulement éclairé du côté du midi.

Réaménagements des bâtiments claustraux au XVe siècle

Les bâtiments claustraux romans furent réaménagés à la fin du Moyen Âge, peut-être après les destructions de la Guerre de Cent Ans. Selon nous, les modernisations ont eut lieu plutôt pour répondre au nouveau mode de vie des moines. A cette époque, ils cessent de partager avec leurs frères le dortoir commun imposé par la règle bénédictine. Ils occupent des cellules ou des appartements, qui sont désormais leurs lieux de travail, de prière et de repos.

Un niveau supplémentaire fut donc rajouté, du moins sur les galeries Nord et Ouest du cloître. Il correspondait à une nouvelle circulation desservant des nouveaux espaces créés dans les constructions romanes. On accédait au nouveau niveau par un grand escalier en colimaçon implanté au croisement des galeries Sud et Ouest.

On suppose que la adaptation des bâtiments des moines est contemporaine des embellissements de la façade Sud du prieuré. Au rez-de-chaussée du bâtiment Sud, un passage réunissait le cloître avec l’enclos monastique. Au Sud, la porte est caractéristique de la deuxième moitié du XVe siècle. Son linteau est orné d’un blason qui nous laisse reconnaître les armes du prieur (vers 1460 – 1470) Louis de La Fayette.

Le mobilier de l’église, par Anne Audier

Le mobilier conservé actuellement dans l’église est celui du XIXe siècle. Il se caractérise par son unité.

Le maître-autel, l’autel de la vierge, la chaire à prêcher et les confessionnaux sont sans originalité mais Sainte-Gemme est la seule église de la région qui a conservé ses bancs.

Disposés au long de la nef et des bas-côtés, les bancs, en bois blanc, sont de petits enclos parquetés, comprenant essentiellement le banc proprement dit et un agenouilloir mobile. Certains portent sous la tablette une petite étagère destinée à recevoir le missel.

Les bancs étaient mis aux enchères à la mort du dernier occupant ou quand la famille quittait la paroisse. Moyennant le paiement d’une redevance annuelle, la famille était ainsi assurée d’une place à l’église. Le banc de l’église était considéré comme un élément de la maison familiale et celui qui s’y serait introduit sans invitation était considéré comme un intrus ; c’est pourquoi presque tous étaient clos, la plupart par une targette mais certains avait leur serrure et la maîtresse de maison les fermait à clé quand elle quittait l’église.



[1] Haute de environ 0,45 m et large de 0,36 m.

[2] Inclinaison des murs mettant le sommet en surplomb de la base.

OBSERVATIONS SUR LES MÉTHODES DE CONSTRUCTION

DU PRIEURÉ DE SAINTE-GEMME 

Les outils de taille de la pierre

Pendant la période romane, les parements et les moulures sont réalisés au taillant à lame droite.

Vers le milieu du XIIIe siècle, la pierre est brettée, la lame de l’outil (la bretture) d’environ 60 mm de large est dentelée avec des dents disposées à 4,5-5,0 mm d’entraxe. On a pu observer cette technique de taille de la pierre sur le voûtement de la salle capitulaire, ainsi que sur les ogives de l’enfeu et du jubé. Dans les cavets qui encadrent les tores des deux ogives et sur les arcs formerets de la salle du chapitre, on a observé des traces de ripe qui parfois pouvaient être étendues à certaines pierres de parement. On remarque qu’en Saintonge l’utilisation de la bretture est relativement tardive.

Sur les pierres datant de la fin du Moyen Âge (XIVe-XVe siècle), on relève des traces de bretture plus fines, les dents de l’outil sont disposées à environ 3,5 mm d’entraxe et la lame est moins large.

Mesures, modules

On retrouve la dimension de 1,10-1,15 m dans la plupart des maçonneries romanes concernant l’épaisseur des murs, la largeur des portes ou des baies etc.

La mesure que l’ont pense être un pied (0,315-0,33 m) est souvent présente sur le chantier de construction de Sainte-Gemme. Elle se retrouve dans la profondeur des contreforts plats (du transept, des façades du prieuré et de l’église), dans divers décrochements, dans l’épaisseur de la niche romane du cloître, dans le diamètre du noyau du colimaçon du clocher, mais aussi dans la hauteur des claveaux des portes ou des baies. Les petits décrochements, les feuillures et le diamètre de quelques fragments de colonnes retrouvées sur place mesurent environ 0,16 m ou ½ pied.

Des fragments de colonne tournée ont été retrouvés sur le site. La pierre est en délit et certains tronçons gardent les traces de la fixation au tour ou des rayures circulaires. Plusieurs diamètres sont identifiables : entre 0,21 m et 0,295 m, comme les colonnes provenant de la façade Ouest de l’église ou du portail intérieur de l’église et celles de ½ pied provenant probablement des parties détruites de l’église ou du mur bahut du cloître.

Pierres, voûtes, mortier

Les pierres calcaires qui composent le parement des murs appartenant à la première étape romane ont majoritairement deux hauteurs : 0,32-0,34 m ou 0,26-0,28 m. Aucune marque de carrier ou de tailleur de pierre n’a été retrouvée.

On identifie deux méthodes de construction pour les voûtes. Pendant la première phase de construction romane, les voûtes sont en moellons ébauchés sur couchis et les naissances sont en grand appareil de pierre de taille. Les voûtes de la nef et de la tribune – réalisées pendant la deuxième moitié du XIIe siècle – sont, quant à elles, faites en blocs de pierre de taille.

Le mortier utilisé pour les parements romans est plus gras que le mortier utilisé pour les blocages. Dans les échantillons de mortier du XIe au XIVe siècle, on observe une quantité importante de nodules de chaux, ce qui prouve que le liant était de qualité moyenne.

                          Petit glossaire, non exhaustif, d’architecture médiévale

 

Arc diaphragme : mur intérieur transversal porté par un arc.

Arc doubleau: arc placé en doublure sous la voûte.

Arc formeret : arc encastré dans le mur porteur et soutenant une voûte.

Arc triomphal : disposé dans l’axe principal du monument, il délimite l’espace liturgique vers l’occident.

Avant-nef : espace d’accueil situé à l’Ouest de la nef de l’église.

Blocage : massif en maçonnerie formé de pierres tout-venant dans un bain de mortier. Les constructions romanes ne se composent généralement que d'un revêtement de pierre renfermant un blocage.

Bretture : outil de tailleur de pierre médiéval, en forme de marteau tranchant et dentelé.

Casadéen : dépendant de l’abbaye de la Chaise-Dieu.

Chantre : moine ou clerc désigné pour interpréter en soliste les pièces plus difficiles ou diriger le chœur.

Chœur : Disposé à l’Est de l’église, c’était l’espace sacré, le lieu ou se trouvait l’autel majeur. Dans cet espace, était célébrée la messe conventuelle et se déroulaient les offices ponctuant la vie quotidienne des moines. Les moines profès se faisant face, assis dans des stalles, y priaient et y chantaient de sorte que l’on parlera de diriger le chœur pour diriger le chant des moines

Commende : régime où l’abbé ou le prieur (ecclésiastique ou laïc) est nommé et non élu par ses pairs, perçoit les revenus du monastère et s'occupe de sa gestion tandis que le pouvoir spirituel est remis aux moines.

Crypte-ossuaire : Dans presque toutes les églises romanes importantes une crypte est destinée à recueillir des reliques sacrées et les ossements des clercs et laïcs les plus puissants

Enfeu : niche abritant un tombeau.

Jubé : séparation entre la nef et l’espace liturgique, souvent servant de tribune au lecteur.

Moine : religieux vivant seul (ermite) ou en communauté (cénobite) à l’écart de la société et qui respecte une règle (en occident la majorité suit la règle de Saint-Benoît) ou un typicon.

Nef : d’une église monastique était destinée à accueillir les simples frères et les hôtes importants

Modillon : console (souvent sculptée) placée sous une corniche.

Mur bahut : séparation entre les galeries et l’espace central du cloître.

Palmette: motif décoratif en forme de feuille de palmier.

Prieur : adjoint de l’abbé, du latin médiéval prior, premier.

Ripe : outil de sculpteur et de tailleur de pierre, en forme de S, souvent dentelé.

Rinceau : ornement en forme de branchages enroulés.

Rouleau : rangée de claveaux formant un arc.

Scotie : moulure concave formée de deux portions de courbe.

Sommier: dernière pierre d'un arc, qui reçoit la retombée de l'arc ou de la voûte.

Taillant (marteau) : outil de tailleur de pierre médiéval constitué de deux tranchants droits et parallèles au manche.

Transept C’est un espace transversal au chœur, le séparant de la nef. Située à l’intersection des deux axes de l’église, la croisée du transept était souvent couverte d’une coupole dans l’architecture romane saintongeaise.

Tore : (ou boudin) moulure ronde.

Trompes : structure en forme de tronc de cône faisant la transition entre le plan carré de la croisée et le plan circulaire (ou octogonal) de la coupole.

Voussures : arcs concentriques en retrait les uns par rapport aux autres au-dessus d'un portail ou d'une fenêtre.

L'article:
Le Prieuré de Sainte-Gemme
Première implantation de la Chaise-Dieu en Saintonge
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Société Française d’Archéologie
Congrès Archéologique de France
177e session, 2018
Monuments de Charente-Maritime
Monastères en Saintonge

10 juin 2018, exposé pour le 177e Congrès archéologique de France dans l’ancienne prieurale de Sainte-Gemme

Sud Ouest 16/06/2018:

Le 177e congrès archéologique :

https://www.sudouest.fr/2018/06/16/l-archeologie-en-congres-en-saintonge-5151032-6997.php

 

 

le 1 août 2017, Visite du Soir du prieuré de Sainte-Gemme

 

Nous remercions les plus de deux cent visiteurs qui on découvert ou redécouvert le prieuré de Sainte-Gemme au cours de la Visite du Soir, organisée par le pays de Saintonge Romane avec l’aide de l’APAC, de la municipalité et de l’association GEMMElePRIEURÉ

 

http://www.sudouest.fr/2017/08/04/visite-de-nuit-3670639-6997.php?xtmc=visite+du+soir&xtnp=1&xtcr=1

le prieuré de Sainte-Gemme 17250

Sainte-Gemme,

11 Novembre 2016

GEMMElePRIEURÉ présente au Musée du prieuré (3 rue du Prieuré, 17250 Ste-Gemme) l’exposition :

Le 20 et 21 juin auront lieu les Journées du patrimoine de pays et des moulins ; le thème est « Le Moyen Âge encore présent ».

Au prieuré de Sainte-Gemme avec cette occasion sera présentée l’exposition : Effets 3D au prieuré !

Restitutions 3D, promenade virtuelle autour et à l’intérieur du monastère au temps du Moyen Âge.

Articles SUD OUEST:

http://www.sudouest.fr/2015/04/06/de-l-auvergne-a-la-saintonge-1882905-1642.php

et

http://www.sudouest.fr/2015/04/07/de-l-auvergne-a-la-saintonge-1883480-1642.php

Les habitants du prieuré de Sainte-Gemme ont le regret de vous faire part du décès de sa propriétaire Anne Audier, survenu le 14 décembre 2014, dans sa 94ème année.

Septembre 2014

La troisième édition de la brochure Le prieuré de Sainte-Gemme, HISTOIRE, ARCHITECTURE, SCULPTURE, RESTITUTIONS est parue !

Enrichie de nouveaux chapitres sur la sculpture, de restitutions et d’un DVD avec environ 40 minutes d’animations 3D présentant le prieuré, au temps du Moyen Âge.

Comme en quatorze !

L’exposition «Comme en quatorze !», retraçant l'histoire des soldats de Sainte-Gemme pendant la Grande Guerre, sera ouverte chaque dimanche entre 14h00 et 18h00 jusqu’au 30 Novembre 2014.


Ouverture toute la journée le 11 novembre 2014.

GRATUIT

 

INFORMATIONS :

Mail : prieure.stegemme17@gmail.com

https://www.facebook.com/prieure.saintegemme

Au prieuré de Sainte-Gemme est présentée une clef de voûte (XIIIe siècle) décorée d’un masque feuillu, provenant de la salle capitulaire, qui à récemment retrouvé son lieu d’origine grâce à une généreuse donatrice.

Article: Le prieuré de Sainte-Gemme, Relevé et restitutions

http://vialucispress.wordpress.com/2014/04/13/releve-et-restitutions-prieure-sainte-gemme-a-guest-post-by-andrei-vlad/

Noël 2013 : parution de Monastères entre Loire et Charente

 

Sur la couverture le cloître de Sainte-Gemme, à l’intérieur 2 articles sur ce prieuré saintongeais. PUR, editions (commander sur le site de l’éditeur, PUR :http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=3365&utm_source=parutions-ure-semaine-de-janvier-(bis)&utm_medium=e-mail&utm_content=titre&utm_campaign=annonce-des-dernieres-parutions)

 

Nous avons le plaisir de vous annoncer la naissance de « Gemme le prieuré » association de
mise en valeur du prieuré de Sainte-Gemme en Saintonge.